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Souffle sain pour vent toxique (14)

Le Royaume est nous

En 1995, bien avant qu'un politicien en ait vidé la substance, Yvan Amar avait terminé son livre “Le maître des Béatitudes” (Nouvelle édition format poche, Albin Michel, “espaces libres”, 2019) par un chapitre intitulé “En marche”. Pour Amar, le sermon sur la Montagne représente l'essentiel de l'enseignement du Christ, un rapide mais profond condensé de la pensée du fils de Dieu. Alors qu'il nous fait, à travers ce livre, “gravir la montagne à sa suite” pour “entendre l'appel du Seigneur”, il conclut son tour des Béatitudes par une invitation passionnée à oser redescendre dans la vallée pour, à notre tour, partager le Royaume reçu. Le texte qui suit est ce dernier chapitre.

“En marche”

Sur la montagne, ce ne sont pas seulement la connaissance et la loi qui se sont adressées aux disciples. C’est la Béatitude, l'Amour, qui ont parlé. La connaissance prépare la terre, l'amour l’ensemence. Ce sont des graines de Royaume qui ont été semées dans le monde. Elles œuvrent désormais comme le levain dans la pâte. On met d’abord le levain dans la pâte pour la faire lever, puis on la cuit.

De la même façon, il y a deux étapes, deux états du feu : le feu de fermentation, puis le feu de friction. Ou, sous un autre angle, le feu intérieur et le feu extérieur. Il est un temps pour recevoir, mais il en est un autre pour donner.

Prenez soin, au cœur de vous-mêmes, de ce que vous avez reçu. Laissez fermenter ce levain dans votre pâte, afin de devenir à votre tour des graines de Royaume dans le monde. Cette pâte, qui a été structurée par la loi pour la reconnaissance, est touchée maintenant par le levain de l'Esprit, l’enseignement issu de la Béatitude. Laissez fermenter en vous ; prenez soin au cœur de vous-mêmes de ce levain reçu dans votre pâte.
Laissez « monter» en vous-mêmes, laissez-vous féconder et devenir matrice vivante. Le cœur riche de ce feu vivant, vous pourrez alors pratiquer la deuxième étape du feu : la friction consciente avec votre prochain, la cuisson fraternelle.

Il y a la façon habituelle d’entrer en relation avec son prochain, celle qui caractérise le monde.
Mais il existe aussi celle du Royaume, dans laquelle vous êtes frères par le même père, par le même destin. Prenez le risque d’entrer en relation avec votre prochain, sans passer par ce que les scientifiques appelleraient «le cerveau gauche », c'est-à-dire la raison, l’analyse, les modalités habituelles de relation. Forts de ce levain en vous, prenez le risque d’être en relation en passant par le cerveau droit, celui des relations sans préjugés, sans opinions et sans jugements. Vous remarquerez moins la paille dans l’œil du voisin, et la poutre dans le vôtre aura le temps de brûler, à ce feu-là.

Prenez le risque de la « Relation-Royaume » : la relation immédiate, sans mémoire. Prenez le risque du chemin du cœur, de la relation du cœur. Prenez le risque de concrétiser l’enseignement de la Béatitude, autant dire vous aimer les uns les autres, le risque de la vie. Forts de l’enseignement entendu sur la montagne, prenez le risque de la vallée. Et repartez par le même chemin que celui que vous avez emprunté pour venir, car il n’en est pas d’autre. Comme la voix du Seigneur l'avait dit à Élie, dans la grotte au flan de l'Horeb : « Va! Retourne par le même chemin.» Jésus dit aussi, quand il à remis les péchés : « Va! Rentre chez toi et ne pèche plus. » Je me souviens de l’histoire, encore en Inde, d'un homme venu écouter Ramana Maharshi, le sage de Tiruvanamalaï. Il avait pris huit jours de vacances, afin de lui poser cette seule question : « Quel est le chemin ? » Chaque jour, il demandait au Maharshi : « Quel est le chemin ? » Mais celui-ci était un instructeur très silencieux, et ne répondait pas. Le dernier jour venu, ce brave homme qui avait mis toute sa foi en Ramana Maharshi se demandait s’il obtiendrait enfin une réponse. Au moment de partir, il fit une ultime tentative : « Bhagwan, s’il vous plaît, dites-moi, quel est le chemin ? » Vint enfin la réponse tant attendue : « Mon ami, le chemin est le même que celui que tu as pris pour venir jusqu'ici. » Rentrez donc chez vous et honorez la montagne dans la vallée. Honorez cet enseignement destiné à vous structurer continuellement, en le recevant, mais aussi en intégrant ce qui est reçu.
Car il est bon de recevoir, d'entendre et d’accueillir, mais il est primordial d’intégrer en soi-même.
L'enseignement ne peut rester vivant, s’il demeure dans le domaine de lavoir. Il doit être intégré en vous, devenir votre être même, devenir votre agir. Dans l’enseignement vivant, il n'y a jamais d’écart entre ce que vous entendez, ce que vous êtes et ce que vous faites. Cette obligation d’intégrer constamment ce que vous entendez est le gage de votre liberté. Car si l’enseignement restait un objet extérieur à vous, vous en seriez toujours dépendants, et vous resteriez par là même dépendants aussi de celui qui le dispense.

L'enseignement rend libre, la vérité rend libre.
Parce qu’ils vous montrent le chemin pour intégrer la vérité en vous, pour faire naître cette vérité dans votre cœur et dans votre vie, au quotidien.
Quand la possibilité d’une relation sans a-priori sera suffisamment structurée en vous, vous prendrez le risque de la relation vivante et vous pourrez l'intégrer dans votre vie quotidienne. Vous redeviendrez alors, au fil du temps, comme des enfants. Ce sont eux qui à la fois mettent au monde le Royaume et en héritent : ils sont la conscience innocente et vivante.

Souvenez-vous : au moment des Dix Commandements, les enfants étaient les garants de la transmission, car ils sont le début et la fin.
Aussi sont-ils, au moment des Béatitudes, ceux qui héritent du Royaume, parce que profondément garants de l’accomplissement de la Loi dans les Béatitudes, et par conséquent dans l'avènement du Royaume. Celui-ci est Royaume pour les enfants, mais… pour ceux qui ont fait le grand cycle et qui sont redevenus comme des enfants. Ne restez pas en enfance, car le Royaume n'est pas pour ceux qui demeurent infantiles, mais pour ceux qui, comme les enfants, sont redevenus une conscience innocente et pleine, longuement cuite au feu de l’Esprit-Saint qui purifie.

Souvenez-vous encore : en étant porteurs des Béatitudes, vous êtes les ferments contagieux du Royaume. Faites grandir ces ferments en vous, et partagez-les précieusement, en les vivant. Soyez enfants du Père par votre prochain ; souvenez-vous : c’est en étant frères que vous serez fils du Père.

«En marche, Bienheureux!» Où vous marchez, là est le chemin. Ne le cherchez nulle part ailleurs que sous vos pieds. C’est l'Intention qui anime votre cœur qui fera de votre marche le chemin du Royaume. Ouvrez l'œil, l'oreille et le cœur. Recevez, écoutez : tout est bénédiction.
Tout chante, tout appelle, tout pousse, tout le dit : « Soyez Royaume… Soyez Royaume… »

Parfois, c’est un homme qui vous le dit, parce que vous semblez alors mieux l'entendre.
Un homme est devenu oracle de l’univers pour parler à l'oreille de l’homme, pour lui dire « ce que l’oreille n’a jamais entendu ». Mais tout est oracle à qui sait entendre, tout est oracle à qui a ouvert l’oreille de son cœur. Les instructeurs, les serviteurs et les prophètes ne sont que votre propre écoute, matérialisée en dehors de vous, pour vous rappeler qu’elle est au-dedans de vous, pour se rappeler à votre bon souvenir !

Vous êtes libres, vous n’avez besoin de personne. Ce que je vous dis, toute la vie le dit.
Vous-mêmes en êtes le signe vivant. Faites de votre vie le « dire» de la vie, une parole vivante.
Vous ne l’entendrez jamais tant, qu'en la prononçant vous-mêmes. Prenez le risque de dire Dieu, de faire Dieu, de mettre le Royaume au monde.
Et prenez ce risque ensemble.

Tout parle à qui sait entendre. Nous ne venons que vous donner l’envie d'écouter. L’entendre dans la pluie, dans la terre, dans l’herbe qui pousse, dans le pas des fourmis… Dans le soleil qui se lève et se couche, dans le secret de la nuit et la splendeur du jour. Dans le premier regard de l'enfant et le soupir de celui qui s'éteint. Dans la main qui se tend et celle qui se ferme. Dans celui qui dit « oui » et dans celui qui dit « non ». Dans celui qui donne et dans celui qui prend.

Tout est Sa parole, tout est Son chant, tout est Sa gloire. Ne cherchez pas à Le reconnaître en un seul endroit :.rien ne peut être exclu du Royaume. Le Royaume du Père est répandu partout sur la terre et nul ne le voit… Ouvrez l'œil par lequel Dieu Se voit. N'essayez pas de voir Dieu. Prêtez-Lui plutôt votre œil et laissez-Le voir, laissez-Le Se voir.

Alors. brillera sur votre face la lumière du Seigneur. Alors votre cœur guéri chantera Sa gloire. Vous serez louange, en vous Il établira Sa résidence. Vous serez les poètes dont la terre à tant besoin, car ce sont eux qui la sauveront. Non pas les économistes, les politiciens, les colonels, les philosophes ou les professeurs… mais les poètes. Les poètes-philosophes, les poètes-professeurs, les poètes-colonels… tous sauveurs. Vous voilà rassurés. Mais en fait, un seul poète, un seul chant. Poiein, en grec, veut dire « créer ». Le poète est perdu dans le chant du Créateur, il est création vivante. C’est le souffle de cette création qui l’anime, qui chante par sa bouche sa Bhagavad-Gitä, le chant du bienheureux, celui de la Béatitude vivante, le chant de grâce. Deo gracias.

C’est à l'entrée de l’école de Pythagore, je crois, qu’il était écrit : « Nul n'entre ici s’il n'est géomètre. » De la même façon, j'aurais envie de dire qu’il est inscrit, aux portes du Royaume : « Nul n'entre ici s’il n’est poète.» Et tous vous êtes poètes. Parce que fous vous avez un chant de création en vous. Prenez le risque de le laisser chanter en vous. C’est tellement simple. Même S'il est difficile de se défaire des habitudes, des croyances, des attachements aux choses apprises… prenez le risque de la poésie de votre cœur. Entrez en relation poétique avec le monde. C’est le chemin du Royaume, le seul que je connaisse, et il est partout. Là où vous êtes, partout.

N'essayez pas de faire confiance à ce que je dis : c'est la vie qui a confiance en vous. Ressentez simplement cette première et ultime poésie, la confiance de la vie pour vous. S'il n'en était pas ainsi, personne ne serait venu s'adresser à vous, jamais.
Comment la compassion pourrait-elle exister, si tout n'était pas porté par cette ultime confiance ?
On l’a vu, la compassion n’est pas la pitié. Elle est la confiance de la vie pour elle-même, cette vie qui se sait en gestation, partout. Aussi, lorsqu'elle se reconnaît dans un être, s’empresse-t-elle de s’adresser à tous, pour dire : « Debout! En marche!
Retournez-vous, regardez dans la bonne direction !
Le Royaume est tout proche, le Royaume vient.
Ashréi…, En marche…»

«En marche… les pauvres, le Royaume est à eux. » N’en faut-il pas, de la confiance, pour que la vie dise cela ? Écoutez cette confiance. Là est votre foi, là est votre force, là est la bénédiction.

«En marche… les endeuillés, les affligés, ils seront consolés. »

« En marche. les humbles, les doux, ils auront la terre en héritage.»

« En marche. les affamés de justice, ils seront rassasiés. »

«En marche… les miséricordieux, les compatissants, il leur sera fait miséricorde. »

«En marche… les cœurs purs, ils verront Dieu.»

« En marche. les artisans de la paix, ils seront appelés fils de Dieu. »

«En marche… les persécutés pour la justice, le Royaume est à eux. »

C’est pour vous que tout cela a été dit, et pour personne d’« autre ». Alors oui, réjouissez-vous, exultez ! C’est la vie tout entière qui vous dit cela, que ce soit là-haut sur la montagne, ou ici et maintenant. C’est la même parole vivante, toujours et partout.

Tel est le message des Béatitudes. C'est un chant d'espérance, celui que toute âme espère entendre une fois dans sa vie. Honorez-le, honorez cette confiance qui vous est témoignée, et la seule façon d’honorer le chant du monde, c'est de chanter avec lui!

Le chant du monde attend votre chant.

Alléluia!

billets/2022/0830souffle_sain_pour_vent_toxique_14.txt · Dernière modification : 31/08/2022 19:10 de david